Les labels agricoles

À travers les divers scandales alimentaires1, de la vache folle dans les années 90 à la viande chevaline dans les plats préparés, vendue pour de la viande de bœuf dans les années 2010, l’agro-industrie montre que, malgré la surveillance sanitaire, elle reste une industrie opaque faite de petits arrangements au service de ses finances.

Devenu citadin, le consommateur n’a plus que très peu de contact avec les producteurs. C’est pourquoi les labels, de plus en plus sollicités sur les packagings des denrées alimentaires, sont censés le rassurer et garantir une certaine qualité et éthique de production. Ils sont apposés lorsque les aliments sont en conformité avec une liste de critères et parfois de seuils chiffrés reconnus par des instances officielles.

Cet article permet de faire la différence entre les éco-labels officiels (labels écologiques), les labels officiels et les mentions spéciales, qui pourraient passer pour des labels mais qui sont en fait des informations annexes.

L’éco-label agricole Français


L’agriculture biologique est un mode de production durable qui concernait 2,3 millions d’hectares en France en 2019, soit 8,5%2 du territoire agricole. Elle assure le respect de l’environnement, la protection de la biodiversité, la préservation des ressources naturelles, le respect des équilibres naturels et un niveau de bien-être animal élevé, avec quelques couacs à l’abattage3

Elle fait son apparition en France dans les années 50 parmi des groupements d’agriculteurs en opposition au modèle intensif mis en place à la sortie de la seconde Guerre Mondiale : monoculture, semences sélectionnées, engrais, pesticides… Sa reconnaissance officielle4 date de juillet 1980 et de la loi d’Orientation Agricole. Ainsi, les cahiers des charges mis en place dans les années 70 par ces groupements, notamment par l’association Nature et Progrès, définissant les conditions de production de l’agriculture n’utilisant pas d’intrants chimiques de synthèse, peuvent être homologués par arrêté du Ministère de l’Agriculture.

L’éco-label AB (Agriculture Biologique) est le label écologique Français. Il a été créé en 1985 par le Ministère de l’Agriculture qui en reste propriétaire exclusif et en définit les règles de certification et de communication permettant de contribuer à l’information du consommateur en matière d’agriculture biologique. Ce graphisme date de 1995. Apposé sur un packaging, un étiquetage ou un point de vente, il certifie la conformité d’une denrée alimentaire ou d’un produit agricole biologique au règlement (CE) n°834/2007 du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques5 et à ses règlements d’application :

  • (CE) n°889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n°834/2008 en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles.
  • (CE) N° 1235/2008 du 8 décembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n°834/2007 en ce qui concerne le régime d’importation de produits biologiques en provenance des pays tiers.

Tout au long de la filière, les opérateurs doivent respecter un cahier des charges rigoureux leur permettant de demander la certification AB auprès d’un des 12 organismes officiels6 agréés par l’Institut National de l’Origine (INAO)7. Cette procédure peut être mise en place par un agriculteur, un producteur, un préparateur, un transformateur, un distributeur ou un importateur de produits biologiques. À ce jour, 70 3227 opérateurs sont certifiés (47 196 producteurs soit un peu plus de 10% des exploitations françaises, 19 311 transformateurs, 8 813 distributeurs et 662 importateurs).

Suite à la certification, les organismes officiels sont également chargés de procéder à des contrôles annuels menant à des prélèvements et analyses de produits7. Pour ceux ne répondant plus au cahier des charges, les sanctions vont du déclassement jusqu’au retrait de l’habilitation de l’opérateur.

L’éco-label Français AB garantit :

  • L’interdiction d’intrants phytosanitaires de synthèse (engrais, pesticides, fertilisants…)
  • Pour les produits transformés, 95 % minimum d’ingrédients issus de l’agriculture biologique et la limitation à 53 additifs8 (dont 4 d’origine chimique de synthèse) au lieu de plus de 300 autorisés en conventionnel en Europe
  • Le respect du bien-être animal (transport, conditions d’élevage, abattage)
  • Depuis 2007, la limitation de la présence d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) à 0,9 %, alors qu’ils étaient interdits auparavant

Toutefois, depuis le 1er janvier 2009, les critères de l’éco-label Français AB s’alignent peu à peu sur ceux de l’éco-label agricole Européen. Moins contraignant, il remplacera définitivement notre éco-label national en 2021.

L’éco-label agricole Européen


En 1991 est adoptée la première réglementation Européenne sur l’agriculture biologique. Le 8 février 2010, la Commission Européenne a rendu public le logo retenu par les internautes à l’issue du concours pour sa conception : l’Eurofeuille. Il est devenu obligatoire sur les étiquetages des produits alimentaires préemballés dans l’Union Européenne, mais reste facultatif pour les produits importés.

Dans tous les cas où l’Eurofeuille est utilisé, doivent figurer des mentions complémentaires :

  • Le nom du producteur, du préparateur ou du distributeur.
  • L’indication du lieu de production des matières premières agricoles composant le produit : «Agriculture UE», «Agriculture non UE» ou « Agriculture UE/non UE », avec la possibilité de mentionner le pays lorsqu’au moins 98% en poids des matières premières agricoles proviennent de celui-ci.
  • Le numéro d’agrément de l’organisme certificateur.

De même que l’éco-label Français AB, le cahier des charges de l’agriculture biologique Européenne est défini par des règlements imposant un contrôle officiel rigoureux. En France, l’INAO reste l’autorité publique en charge de leur application et confie les contrôles aux organismes certificateurs agréés.

Toutefois, de 2014 à 2017, des négociations ont eu lieu afin de réviser et d’harmoniser les critères de l’agriculture biologique au niveau Européen. Ils entreront en vigueur en 2021 et se substitueront aux cahiers des charges nationaux. Les arguments avancés par la Commission sont en faveur d’une alimentation biologique généralisée, moins chère et pour se faire, d’une transition facilitée de l’agriculture conventionnelle9 vers l’agriculture biologique. Les associations d’agriculteurs Français ont participé activement aux négociations afin d’éviter une certification au rabais.

À partir de 2021, l’éco-label agricole Européen garantira :

  • 95 % minimum d’ingrédients issus de l’agriculture biologique, dans le cas des produits transformés, si la part restante n’est pas disponible
  • 100% de semences biologiques d’ici à 203510
  • De nouveaux produits labellisables tels que le sel, le liège, la cire d’abeille9
  • L’interdiction de la culture hors-sol
  • Les produits biologiques importés hors Union Européenne devront répondre au cahier des charges Européen11 sauf pour 12 pays continuant à bénéficier d’accords préférentiels, leur propre cahier des charges national étant considéré comme équivalent12
  • La création d’une certification de groupe pour les petits producteurs afin de mutualiser les frais administratifs liés à leur conversion11

Mais :

  • Pour une obligation de résultats, un seuil limité de pesticides dont le chiffre sera harmonisé au niveau Européen en 2024 (et non plus une interdiction totale). À savoir que l’Italie, la Belgique et la République tchèque en ont déjà un13.
  • Le principe d’une inspection physique par an et par opérateur, tout en autorisant pour les opérateurs n’ayant pas fait l’objet de non-conformité durant 3 ans, d’espacer ces contrôles de 24 mois au maximum9. Ce système permet l’augmentation du nombre d’agriculteurs biologiques sans augmenter les moyens.
  • Aucune décision n’a été prise pour annuler l’autorisation13 de parcelles mixtes (bio/conventionnel) sans limite dans le temps.
  • L’ajout d’une liste de produits chimiques utilisés en agriculture conventionnelle13 : adjuvants, agents synergiques, co-formulants…
utopylogie écolabel bio cohérence

Pour les consommateurs souhaitant continuer à acheter des aliments biologiques aux règlementations plus drastiques, il existe l’éco-label Bio Cohérence.

Il a été créé en 2010 en réponse au remplacement du cahier des charges national de l’éco-label AB au profit de l’éco-label agricole Européen. Il regroupe des acteurs historiques de l’agriculture biologique Française comme la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), mais aussi des entreprises comme Biocoop, Agrosemens… En plus des critères de base, il impose des engagements stricts à ses producteurs comme l’interdiction de serres chauffées, d’OGM, de parcelles mixtes…

Les labels alimentaires

Il existe des labels officiels garantissant une qualité supérieure aux aliments. Toutefois, malgré des cahiers des charges stricts, ils n’ont rien à voir avec les valeurs portées par l’agriculture biologique.

utopylogie logo label rouge

Le plus connu est le label national Label Rouge, créé en 1960 et initié par un groupement de producteurs avicoles.

Il répond aux exigences d’un cahier des charges validé par l’INAO14 et appliqué par un organisme certificateur indépendant. En plus de compléter et d’améliorer les conditions de production existantes, il garantie des qualités gustatives supérieures. Par exemple, la production d’œufs Label Rouge est une version améliorée de celle des œufs de plein air15.

Le label Bleu Blanc Cœur a été créé en 2000 sur la base de constats scientifiques impulsés par un ingénieur agronome, un éleveur laitier et un médecin nutritionniste auprès de l’INRAE (ex-INRA) et de l’entreprise Valorex, spécialisée dans l’étude des graines oléo protéagineuses et des végétaux.

Ils ont mis au jour les bienfaits des omégas 3 et omégas 6 dans la chaîne alimentaire. Ainsi, en nourrissant les animaux avec, par exemple, des graines de lin, l’homme améliore sa santé et se protège notamment des maladies cardiovasculaires, du diabète… En 2008, le label est reconnu par les ministères de la Santé et de l’Agriculture16.

logo label haute valeur environnementale HVE

Enfin, le label HVE (Haute Valeur Environnementale) créé par le Ministère de l’Agriculture suite au Grenelle de l’environnement de 2007.

Sur la base de référentiels chiffrés et de seuils, il accorde des notations aux exploitations agricoles sur 4 points clés : les intrants phytosanitaires,  la préservation de la biodiversité, la gestion des engrais et de l’eau. Les meilleures notes donnent lieu à la certification HVE. Porté par les pouvoirs publics, ce label est toutefois très décrié17 notamment parce que malgré une sémantique respectueuse de l’environnement, les cultures peuvent contenir des OGM et les intrants phytosanitaires n’y sont pas interdits. Ainsi, des traces de pesticides ont été retrouvées dans 22 crus Bordelais, vins du Languedoc et champagnes labellisés HVE et analysés dans le cadre de l’association Alerte aux toxiques18.

La célèbre feuille de chêne du Concours Général Agricole, d’or, d’argent ou de bronze, existe depuis 1870. Elle est la propriété du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et du Centre National des Expositions et Concours Agricoles (CENECA), organisateur de foires et de concours. Les médailles sont décernées lors du Salon de l’Agriculture à 5 catégories, dont 2 dédiées spécifiquement à l’alimentation : vins et produits.

23000 échantillons de nourriture rendus anonymes sont fournis par 3000 producteurs dans 35 catégories19 (produits laitiers, volailles, jus de fruits, miel…) et sont jugés par plus de 6000 jurés :

  • Des consommateurs avertis, qui peuvent se former par le biais du Concours Général Agricole afin d’approfondir leurs connaissances (produits, caractéristiques, terminologies…)
  • Des professionnels de la filière (producteurs, représentants des syndicats et des appellations)

Chaque produit est noté par une seule tablée composée de 7 jurés qui doit respecter un pourcentage maximal de 33% de médaillés19, soit 2 gagnants par table. Selon le magazine 60 millions de consommateurs, cette seule et unique dégustation par un si petit nombre de personnes rend le résultat aléatoire20. De plus, le jury ne dispose ni de la liste d’ingrédients, ni de leur provenance, ce qui crée des polémiques21 notamment dans la catégorie foie gras, acceptant même les producteurs qui importent les foies.

Pour autant, concernant le concours de vins, La Revue du Vin de France22 estime que c’est l’un des mieux organisés car la récupération des échantillons par les organisateurs directement en chais ou en magasin, garantit l’impartialité du vin présenté par le vigneron.

Il faut savoir que l’obtention de ce macaron dope les ventes et permet même aux producteurs d’augmenter leurs prix car il est un véritable sésame à l’export, surtout en Amérique du nord.

Les mentions spéciales et signalétiques

Le logo Triman, petit personnage dessiné avec trois flèches partant de sa main, a vu le jour en 2015, suite au Grenelle de l’environnement, dans le but d’harmoniser les consignes de tri.

À l’exclusion des emballages ménagers en verre, il est obligatoire sur tous les produits faisant l’objet d’une consigne de tri : emballages (alimentaires et non alimentaires), mobiliers, équipements électroniques, pneumatiques, papiers graphiques et articles textiles. Ainsi, accompagné d’un message texte ou de pictogrammes, il introduit la consigne de tri et flèche chaque matériau dans la filière adéquate : en poubelle de tri afin d’être recyclé, en point d’apport volontaire, en déchèterie ou en magasin.

utopylogie logo info-tri par Citéo

Contrairement à Triman, l’info-tri se trouve seulement sur les packagings alimentaires. Cette consigne de tri est proposée depuis 2012 par Citéo, entreprise responsable du recyclage et de la valorisation des emballages ménagers et du papier. Elle y est graphiquement associée au point vert et à Triman, lorsqu’au moins un des éléments de l’emballage est à recycler.

Le point vert est visible sur la majorité des emballages alimentaires. Il indique que le producteur du produit adhère au dispositif de valorisation des emballages et paie une contribution à une entreprise de recyclage ou de valorisation des déchets comme Citeo (pour les emballages ménagers et les papiers), Adelphe (pour les vins, spiritueux et médicaments) ou Cyclamed (pour les médicaments). Il n’est en aucun cas garant de matières recyclées dans la composition du packaging !

[1] Les 10 pires scandales alimentaires depuis 1980, Bio à la Une, 2014

[2] Les signes officiels de la qualité et de l’origine, Agriculture Biologique, INAO

[3] Vidéo, Derrière les murs d’un abattoir certifié bio, Association L214, 2016

[4] Histoire de l’agriculture biologique et création de la FNAB, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique

[5] Utiliser les logos, Agence Bio

[6] Les organismes certificateurs, Agence Bio

[7] Les signes officiels de la qualité et de l’origine, Agriculture Biologique, INAO

[8] Évaluation Additifs alimentaires, Que choisir, 2020

[9] Projet de révision de la réglementation européenne sur l’agriculture biologique, Sénat, 2017

[10] Révision du règlement Européen bio, Union des Éleveurs bio UNEBIO

[11] Agriculture biologique : ce que prévoit le nouveau règlement bio européen, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2018

[12] Révision du règlement bio, Produire bio, 2018

[13] L’Europe réforme l’agriculture biologique à la baisse, Reporterre, 2017

[14] Les signes officiels de la qualité et de l’origine, Label Rouge, INAO

[15] Œufs Label Rouge : un élevage différent, Volailles fermières et œufs Label Rouge

[16] Bleu-Blanc-Cœur, le label nutrition qui monte, Sciences et Avenir, 2016

[17] Page Wikipédia Haute Valeur Environnementale

[18] Des traces de pesticides dans des vins certifiés « haute valeur environnementale », Le Monde, 2020

[19] Salon de l’agriculture : j’ai goûté des fromages pour choisir les médailles du Concours Général Agricole, voici comment ça s’est déroulé, Business Insider, 2020

[20] Concours général agricole, que valent les médailles ? Article du magazine 60 Millions de Consommateurs, paru sur le site internet de l’Association UFC Que Choisir, 2016

[21] Le concours général du foie gras au cœur d’une polémique, Association Que Choisir, 2014

[22] Vins et récompenses : le Concours général agricole de Paris, La Revue du Vin de France, 2009


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